11/09/2023

Dégustation thé jaune – Rareté inestimable de l’île Jun Shan

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Aujourd’hui, on reprend les articles de dégustation avec un thé jaune, un thé d’exception et rare que je devais absolument déguster pour vous ! Le Jun Shan Yin Zhen ! La Chine est le principal producteur de thé jaune, qu’on ne retrouve que dans quelques provinces du pays. Certains producteurs ont préféré arrêter de produire cette famille à cause du risque que cela représente pour la production de l’année. Ils vendent alors leur thé vert sous une fausse appellation de thé jaune. Mais quelques irréductibles producteurs ont conservé leur incroyable technique et passion afin de perpétuer le traditionnel thé des empereurs.

Il n’y a pas meilleur représentant des thés jaunes que le Jun Shan Yin Zhen, je vous propose donc de prendre un billet d’avion, direction le Hunan, sur les rives du lac Dongting. Très beau voyage à tous !

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Dégustation thé jaune – Jun Shan Yin Zhen


Les feuilles sèches

Parfum

J’ouvre le paquet et un effluve végétal me vient au nez, notamment l’odeur d’une botte de foin ou de paille séchant au soleil. Comme le Bai Hao Yin Zhen, je trouve que ce thé se déguste à merveille pendant l’été. Il porte en lui quelque chose de solaire qui colle parfaitement avec la saison. D’autant plus que si vous vous concentrez et prenez une grande inspiration au-dessus des bourgeons du Jun Shan, vous sentirez un parfum légèrement fruité qui me rappelle les fruits d’été.

Visuel

Le visuel est très satisfaisant également, les très jeunes bourgeons sont dodus et recouverts d’un voile doré magnifique. Certains sont légèrement argentés puisque quelques poils se trouvent sur leurs flancs. 

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Les feuilles infusées

Parfum

Les feuilles ayant fini d’infuser, elles dégagent un parfum indéniablement sucré, presque gourmand. On retrouve davantage le côté fruité que pour les feuilles sèches et le côté végétal (foin, paille) se veut plus discret. J’attends quelques minutes que les feuilles refroidissent afin de percevoir l’évolution du parfum. En effet, les feuilles tièdes dégagent un parfum différent, beaucoup plus végétal. Une odeur qui se conjugue maintenant avec le côté fruité dont je parlais tout à l’heure, nous offrant un parfum d’agrume légèrement sucré.

Visuel

Visuellement, les bourgeons ont retrouvé leur verdeur. Le voile doré s’en est allé dans la liqueur et ils se sont ouverts davantage. Ils sont légèrement plus gonflés et « gras » et je décèle, dans le sens de leur longueur, une fente qui nous laisse entrevoir leur cœur. J’y trouve une certaine poésie qui s’installe entre le vivant et l’eau. En redonnant vie au bourgeon sec, elle lui permet de dévoiler de nouveau son cœur.

Et pour finir sur l’observation de ces bourgeons infusés, je voudrais vous parler de leur pied qui rougit sous l’effet de l’eau chaude. À la manière des nervures du Tai Ping Hou Kui qui rougissent après avoir été infusées. Déguster un thé c’est aussi observer le spectacle de la feuille qui infuse et c’est se concentrer sur le moment présent.

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La liqueur du thé jaune Jun Shan Yin Zhen

Parfum et couleur

Comme je le disais, le doré s’en est allé des feuilles pour se loger dans la liqueur. On retrouve une liqueur très brillante, translucide et qui tend vers l’or rose en termes de couleur. C’est une couleur typique que je n’ai pas vue pour d’autres thés, et que je trouve envoutante. Le parfum que dégage la liqueur est assez discret et ressemble trait pour trait à celui des feuilles infusées. 

Texture

La texture est à l’image du gras des bourgeons, très ronde tout en restant souple en bouche. Les tanins sont plutôt discrets et se manifestent davantage en fin de bouche, mais toujours de manière subtile. D’ailleurs une pointe d’astringence apparait en fin de bouche et vient dynamiser le profil gustatif du Jun Shan Yin Zhen

Saveurs

Vous vous en doutez, la liqueur n’est ni acide ni amer, encore moins salée. Au contraire, elle dégage des saveurs très équilibrées qui tirent vers le sucré et la gourmandise. 

Arômes

Les tanins de la liqueur complimentent le profil de ce thé qui se veut vanillé/fruité (mangue fraiche). On retrouve évidemment ce côté végétal gourmand qui ressort et qui rappelle le maïs grillé en bouche. L’attaque de la liqueur est légèrement marine (coquille d’huitre), ce qui me rappelle que ce thé pousse sur une île au milieu d’un lac. Le fruit reprend le dessus et se conjugue parfaitement avec l’aspect vanillé du thé. Après déglutition, le plaisir est encore là. Le parfum rémanent nous offre une dernière surprise subtile et caféinée, rappelant la fermentation du thé jaune.

Matériel et méthode d’infusion


Le matériel que j’utilise pour la dégustation du thé Jun Shan Yin Zhen est le suivant : il comprend un gaiwan en porcelaine, d’une contenance d’environ 90 ml, un pot de réserve en verre me permettant de contempler la couleur de la liqueur et d’une tasse de dégustation en verre double paroi.

La préparation est identique à celle d’un thé vert. La température de l’eau est donc de 75 °C et le temps d’infusion est de 1’30 minute. Aussi, il est important de respecter le ratio quantité de thé/quantité d’eau : 3 g pour 90 ml d’eau. N’hésitez pas à faire plusieurs infusions des mêmes feuilles. Je vous invite à consulter mon article pour savoir comment faire du thé.

Comprendre thé jaune – Jun Shan Yin Zhen


Histoire du Jun Shan Yin Zhen 

Une des légendes connues autour du Jun Shan Yin Zhen concerne le mariage d’une princesse et d’un roi. Cette histoire réunit la princesse Wen Cheng de la dynastie des Tang en Chine et le roi tibétain Songtsan Gambo au 7e siècle. Le roi tibétain, reconnaissant le potentiel émergent de la Chine, cherchait à renforcer les liens entre les deux nations.

Pour gagner la main de la princesse Wen Cheng, le roi tibétain a envoyé un émissaire à la cour de l’empereur Taizong des Tang, qui a organisé un tournoi de cinq épreuves intellectuelles. L’émissaire tibétain a brillamment relevé ces défis, ce qui a conduit au mariage de la princesse Wen Cheng et de Songtsan Gambo (roi tibétain).

Ce mariage a eu un impact significatif sur l’histoire du Tibet. La princesse Wen Cheng a apporté avec elle une précieuse statue de Bouddha, contribuant ainsi à l’introduction du bouddhisme au Tibet. De plus, elle a partagé des connaissances et des techniques agricoles avancées de Chine, ce qui a amélioré l’agriculture au Tibet. Bien sûr, cette union a également renforcé les relations entre la Chine des Tang et le Tibet grâce à la route de la soie. Mais ça n’est pas tout, la légende dit que la princesse était parti rejoindre son époux avec le fameux Jun Shan Yin Zhen en poche. 

Cette coutume ancestrale d’offrir le Junshan Yinzhen en tribut à l’empereur a perduré à travers les époques des dynasties Wu-dai, Song, Ming et Qing. À l’époque de la dynastie Tang, cette variété de thé était poétiquement désignée sous le nom de « Plumes de Queue Jaune, » (Huang Ling Mao) en raison de la vision qu’elle offrait lorsque ses bourgeons d’un jaune lumineux, drapés de duvet, se dressaient majestueusement dans la tasse, évoquant la splendeur des plumes dorées.

Plus tard, au cours de la dynastie Song, elle prit le nom de « Plumes de Queue de Grue Blanche, » (Bai He Ling) un hommage à son lieu de culture au sein du Temple de la Grue Blanche (Bai He Si). Là-bas, l’eau puisée au puits de la Grue Blanche (Bai He Jing) était utilisée pour infuser ce thé, créant ainsi l’illusion poétique d’une grue blanche élégante se déplaçant avec grâce dans les eaux de la tasse. La blancheur douce de son duvet lui valut également le surnom de « Aiguilles à Duvet Blanc. » (Bai Mao Jian) 

Durant la période des cinq dynasties et des dix royaumes, qui s’étend de la chute des Tang à la réunification de la Chine par les Song, ce thé jaune alors très apprécié est renommé en Jun Shan Yin Zhen. Ce qui signifie littéralement « Aiguille d’argent du mont souverain ». Il s’agit d’un hommage à l’empereur Qianlong qui, en croisière sur le long fleuve, a fait une halte sur une petite île qu’on renomma en son honneur. L’empereur et l’île de Jun Shan donneront leur nom au Jun Shan Yin Zhen. À noter, que l’on retrouve deux types de Ju Shan, le premier est formé en pointe (Jiancha) et le second de bourgeons duveteux, renommé rongcha. 

C’est donc ce fameux thé en pointe que la princesse amena avec elle au Tibet et qui depuis lors est devenu une façon de payer un tribut impérial. Chaque année les émissaires chinois faisaient en sorte que quelques kilos partent à la cité interdite de Pékin pour la consommation des empereurs et pour des invités de marque. Aujourd’hui, la tradition perdure et la meilleure qualité possible du Jun Shan Yin Zhen est connue sous l’appellation « Gift Tea Grade ». 

Anecdote

À l’époque de la dynastie Tang, l’ancêtre du Jun Shan Yin Zhen (Huang Ling Mao) est en réalité un thé vert et non pas un thé jaune. Ce n’est qu’en 1953 que le Jun Shan Yin Zhen deviendra un thé jaune grâce à l’évolution de sa technique de fabrication. Une étape de sudation à l’étouffée est apportée au processus juste après avoir stoppé l’oxydation des bourgeons. Cet étuvage permet au thé de développer des parfums encore plus puissants.

Terroir du Jun Shan Yin Zhen

Le véritable Jun Shan Yin Zhen ne pousse qu’à un seul endroit sur terre. Sur une petite île située dans le lac Dongting, proche de la ville de Yueyang au nord de la province du Hunan. C’est ici que la seule compagnie au monde est certifiée par le gouvernement chinois pour produire le fameux Jun Shan Yin Zhen. Cette position au milieu du lac Dongting confère à la petite île un climat particulier, d’autant plus qu’elle est également vallonnée.

En effet l’île de Jun Shan possède environ 72 petites montagnes de hauteur très variée dans lesquelles résident une multitude de jardins de thé. Cette localisation et cette topologie offrent aux théiers des conditions idéales pour s’épanouir. Les brouillards épais venant du lac Dongting offrent des conditions de luminosité et de fraicheur parfaites pour les théiers. Le taux d’humidité est d’ailleurs très favorable à la croissance des théiers, tout comme les basses températures. Les différents niveaux d’élévation de l’île permettent aux théiers de bénéficier d’ensoleillements variés tout au long de la journée. Les arômes peuvent donc se concentrer de la meilleure des façons au sein des feuilles qui ne souffrent pas d’une évaporation excessive liée au soleil. 

Cultivar et récolte

Cultivar

Le cultivar du Jun Shan Yin Zhen est aujourd’hui inconnu, tout du moins du grand public. Nous savons seulement que le ou les cultivars utilisés sont de vieux cultivars, appelés également « cultivars patrimoniaux/ancestraux ». Les variétés ancestrales, également connues sous le nom de cultivars ancestraux ou variétés patrimoniales, sont des cultures transmises de génération en génération au sein d’une famille, d’une communauté ou d’une région.

Elles existent généralement depuis plus de 50 ans. Les agriculteurs ont soigneusement sélectionné ces variétés au fil des années pour leurs meilleures caractéristiques. Elles sont à pollinisation ouverte, préservent leurs caractéristiques génétiques et demeurent « fidèles au type (en d’autres termes, les plantes cultivées à partir de graines ressembleront exactement à la plante mère, ayant la même taille et le même mode de croissance, ainsi que la même taille de fruit, la même couleur et la même saveur.) »

Ces variétés ont tendance à avoir une meilleure valeur nutritionnelle, s’adaptent mieux aux conditions locales et présentent des formes, couleurs et saveurs uniques. Elles ont une immense importance culturelle et historique.

Cependant, il est important de noter que la plupart de ces variétés ancestrales ont été remplacées à l’échelle mondiale par l’introduction de variétés hybrides, créées artificiellement ou génétiquement modifiées. La préservation de ces précieuses ressources génétiques et des traditions qui y sont associées revêt une grande importance pour assurer un avenir durable de l’agriculture.

Récolte

Le grade le plus prestigieux du Jun Shan Yin Zhen provient du tout premier bourgeon qui se déploie au début du printemps. Ce bourgeon typique est généralement constitué de 4 à 5 très petites feuilles émergentes collées entre elles. La collecte de ces précieux bourgeons est réalisée manuellement, selon des normes bien définies et qui ne changent pas à travers les saisons. 

Initialement, la longueur du bourgeon doit se situer entre 25 et 30 mm, tandis que sa largeur doit être comprise entre 3 et 4 mm. Il doit également être doté d’une tige de 2 mm de long, solidement attachée. Mais cela ne suffit pas puisqu’à cela s’ajoutent 10 critères pour lesquels les bourgeons ne seront pas sélectionnés :

  1. Bourgeon trop grand
  2. Bourgeon tordu ou courbé 
  3. Bourgeon creux, 
  4. Bourgeon à la couleur violette 
  5. Bourgeon endommagé par le vent 
  6. Bourgeon avec piqûre d’insecte 
  7. Bourgeon endommagé par une maladie des plantes
  8. Bourgeon trop maigre 
  9. Bourgeon sorti après la pluie 
  10. Bourgeon avec la rosée du matin sur eux

Ces informations sont directement et ouvertement transmises par le producteur de ce thé ! C’est assez incroyable de voir la très qualitative sélection faite par les cueilleurs. D’ailleurs, sachez qu’il faut environ 50 000 bourgeons pour produire 1 kg de Jun Shan Yin Zhen et qu’un cueilleur très expérimenté ne récolte que 500 grammes de bourgeons par jour (10 000 bourgeons). Cette difficulté et cette maitrise de la nature a un coût puisque les 100g de ce thé ont un prix élevé, autour des 150€-200€. 

La fenêtre de récolte est elle aussi très courte puisqu’elle ne dure que 14 jours et prend place 4 jours avant le festival Qingming et 10 jours après. Comme pour la plupart des thés de printemps, le Jun Shan Yin Zhen le plus réputé est récolté avant le festival Qingming. 

Pour conclure

Nous arrivons aux termes de ce voyage au Hunan et de cette dégustation exceptionnelle. Dans un article à venir, je vous parlerai de la naissance du thé jaune ainsi que sa méthode de fabrication. Je vous présenterai quelques autres thés jaunes très connus provenant de Chine, et qui sait peut être même d’autres pays. En attendant, je vous laisse apprécier une deuxième infusions d’un grand Jun Shan Yin Zhen, le thé le plus rare du monde.


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Catégories : Dégustation de thé

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Auteur : Romain Di Mosole

Diplômé d’un Master en Business International et après deux ans passés chez CANAL+, j’ai décidé de consacrer davantage de temps à mes passions. Au quotidien beaucoup de choses me font vibrer, la lecture, mes proches, la musique et évidement le thé. Le thé est pour moi un art de vivre et permet de mieux percevoir le monde qui nous entoure. Je me sens plus sage quand je prends le temps de déguster une tasse de thé. Fort de tout ce qui m’anime j’ai donc décidé de créer Secret de Thés — Le Blog. À ce jour j’en suis le créateur et le principal auteur.

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